COP 28 – Le profit avant tout !

«Ces dernières décennies ont montré qu’une grande partie des engagements volontaires n’étaient pas suivis d’effet. » Tel est le premier bilan fait par Le Monde (3 décembre) au cinquième jour de la COP28, alors que se terminaient les discours des représentants officiels et que commençaient les négociations sur un accord final prévu le 12 décembre. Autant dire que cette 28e édition de la COP va dans la même direction que les précédentes.

Initialement, cette conférence était censée mettre en œuvre l’Accord de Paris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, émissions dont on sait que les principaux responsables sont la production, la distribution et la consommation des énergies fossiles (charbon, gaz, pétrole). Or cette COP28 se tient dans les Émirats arabes unis, 8e producteur mondial de pétrole. De plus, elle est présidée par le P-DG de l’Adnoc (Abu Dhabi National Oil Company), détentrice des quatrièmes réserves pétrolières mondiales. Autant faire présider une conférence contre le trafic de cocaïne par un baron de la drogue !

On le voit, les grands producteurs de gaz et de pétrole sont à la manœuvre et cela ne date pas d’aujourd’hui. Un article publié sur le site de France Info (1) signale que, « pendant vingt-six ans, les pays producteurs sont tout de même parvenus à éviter que les énergies fossiles apparaissent nommément dans les textes adoptés à l’issue des COP, quand bien même elles sont la principale cause du réchauffement climatique ». Année après année, les représentants du secteur du pétrole et du gaz sont toujours plus présents dans les COP pour peser sur les débats. Selon l’ONG Novethic, ils sont passés de 636 représentants lors de la COP27 à 2 456 pour cette COP28  ! L’enjeu est important : le sujet des énergies fossiles ne pouvant pas être évité dans cette COP28, il faut tenir un discours « écologiste » appelant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, voire à la limitation de l’utilisation des énergies fossiles… tout en préservant le cœur de la machine à profits.

Ce discours est simplement celui imposé par la principale puissance capitaliste : les États-Unis. En 2022, Biden a fait adopter l’Inflation Reduction Act, un plan de 500 milliards de dollars de subventions, des prêts et des réductions fiscales destinés à se poser comme leader mondial de la décarbonation et de la réduction des émissions des gaz à effet de serre… cela dans un cadre maîtrisé, celui de la défense des intérêts généraux du capitalisme et ceux, plus particuliers, des États-Unis.

En effet, la « philosophie » de ce plan est de ne pas s’émanciper du gaz et du pétrole, mais de réduire les émissions de CO2 sans réduire pour autant l’utilisation des hydrocarbures. Il s’agit même de promouvoir le gaz en remplacement du charbon. Macron, lors de son intervention à la COP28, a relayé ce discours en éludant la question des hydrocarbures et en appelant les pays du G7 à sortir du charbon en 2030 afin de « montrer l’exemple » aux « pays émergents », et en particulier à la Chine.

Alors qu’attendre de cette COP ? Qui peut croire à la volonté et à la capacité des États présents à cette conférence – mélangeant allègrement dictatures et « démocraties » engagées dans la défense des intérêts capitalistes et dans des budgets de guerre et d’armement toujours croissants – de sauver la planète des dérèglements climatiques ? Qui pourra y croire au lendemain de cette COP contrôlée par les intérêts bien compris des multinationales du gaz et du pétrole, et au premier chef celles des États-Unis ? Pierre Cise

(1) « Comment les pays pétroliers s’affairent en coulisses pour torpiller les négociations sur le climat » (4 décembre 2023).

Lexique

COP (Conference of the Parties ou Conférence des parties, en français) sur les changements climatiques : conférence annuelle réunissant depuis 1995 les représentants des pays signataires des accords de Rio de 1992. Son but est de fixer des objectifs climatiques mondiaux, en particulier des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Accords de Rio : accords signés en 1992 à Rio de Janeiro (Brésil) lors du « Sommet de la Terre » de l’ONU portant sur le développement durable, la biodiversité, la gestion des forêts et le réchauffement climatique. Sur ce dernier point, l’accord a défini le cadre des discussions qui ont abouti au protocole de Kyoto.

Protocole de Kyoto : accord signé en 1997 dans la ville japonaise de Kyoto lors de la COP3. Cet accord fixait aux pays dits développés de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 5 % par rapport au niveau de 1990, au cours de la période 2008-2012.

Accord de Paris : signé en 2015 lors de la COP21, l’objectif de cet accord est de maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète en dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels et, de préférence, de limiter l’augmentation à 1,5° C. Cette fois-ci, l’objectif est fixé à tous les pays, « développés » ou « en voie de développement ».