Mixité sociale à l’école : à Rennes, le protocole signé avec l’école privée « irrite »
L’Éducation nationale a signé un protocole d’accord sur la mixité sociale et scolaire à l’école avec l’enseignement catholique sans contrepartie. Ce protocole suscite de la déception auprès de nombreux élus locaux. À Rennes, Gaëlle Rougier, adjointe à l’Éducation, ne cache pas son « irritation » vis-à-vis de cette politique.
Gaëlle Rougier, vous êtes adjointe à la maire de Rennes en charge de l’Éducation. Que pensez-vous du protocole d’accord signé entre le ministère de l’Éducation et l’enseignement catholique sur la mixité sociale et scolaire ?
Cela suscite beaucoup de déception chez de nombreux élus locaux. Pour moi, je parlerais même d’une forme d’irritation. Ce protocole n’aboutit à aucun quota de boursiers ni d’objectifs contraignants pour l’enseignement privé. À l’heure où les collectivités ont tant de difficultés à maintenir le niveau de financement nécessaire dans les écoles, les centres de loisirs et dans les quartiers auprès des familles en difficulté, pour accueillir le handicap, ces annonces font mal.
S’attaquer aux inégalités scolaires et favoriser la mixité demandent que chacun contribue. Certes, la ségrégation à l’école est multifactorielle : spatiale entre quartiers riches et pauvres, entre le public et le privé et entre les filières générales et professionnelles. Mais c’est factuel : l’enseignement privé attire plutôt des publics favorisés. Or, alors que nous demandons des contreparties à n’importe quelle association que nous finançons, nous ne pourrions rien exiger de l’enseignement privé, financé à 70 % par de l’argent public ?
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C’est loin des ambitions initialement affichées par le ministre Pap Ndiaye qui, au mois de mars, parlait « d’exiger » de l’enseignement privé qu’il favorise la mixité des élèves…
Le ministre a été abandonné très tôt par sa majorité. On sentait que ce serait difficile pour lui d’aboutir à quelque chose de constructif. Localement, on travaille bien avec l’Éducation nationale, mais sans accord sur les objectifs et les moyens au niveau national, tout ce que l’on pourra engager pour améliorer la mixité sociale aura un résultat marginal. On aurait besoin d’un cadre national pour l’enseignement catholique, mais aussi les collectivités et les élus.
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Quelles solutions envisager alors ?
Le problème c’est la question de l’offre. Comment rendre le service public attractif ? Il faut un « plan Marshall » de l’école publique : investir dans les écoles qui en ont besoin, revaloriser le métier d’enseignants, donc leur rémunération sans contrepartie, leur formation, les remplacements ; recruter et assurer des moyens dans les zones d’éducations prioritaires où demeure une incertitude sur l’avenir de ce réseau alors que c’est le seul dispositif existant pour corriger les inégalités scolaires.
Il faudrait également des outils de concertation avec le privé et les collectivités. Et l’école inclusive demeure une injonction qui pèse presque exclusivement sur l’enseignement public. En attendant, nos exercices budgétaires sont contraints. À Rennes, l’éducation reste une priorité donc on maintient un haut niveau d’investissements dans l’accompagnement du handicap, des séjours vacances, des familles défavorisées, du temps périscolaires, mais, là, les collectivités versent un forfait communal à l’enseignement privé mais ne doivent pas exiger de contrepartie ou d’effort en retour, c’est choquant.