Doctorante, elle donnait des cours à la fac en étant au RSA
Faire une thèse en autofinancement relève du parcours du combattant. À 33 ans, Clémence Moullé Prévost sort de sept ans et demi de doctorat en histoire de l’art et archéologie à l’Université de Rennes 2. Elle raconte la précarité, le stress, l’angoisse, avec en toile de fond, les dysfonctionnements d’une université exsangue.
La Rennaise Clémence Moullé Prévost, 33 ans, est l’un des personnages principaux du documentaire « Prof de fac, une vocation à l’épreuve », tourné à l’université Rennes 2. Pendant sept ans et demi, elle y a mené une thèse en histoire des arts, en autofinancement. De 2014 à 2022, elle a dû enchaîner les petits boulots en plus des heures de cours qu’elle donnait à la fac pour financer sa recherche.
« Je suis la première à avoir fait des études supérieures dans ma famille », témoigne Clémence Moullé Prévost. Au cours de son master en histoire de l’art à Rennes 2, elle a fait un mémoire sur le patrimoine archéologique de l’île de Chypre. « Ça m’a passionné. J’ai donc déposé une proposition de sujet de thèse qui a été acceptée. » Mais elle n’a pas eu de financement. « En sciences humaines, c’est très compliqué de décrocher un contrat doctoral »,
donc la plupart des doctorants doivent s’autofinancer.
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Dès sa première année de ma thèse, l’étudiante a enchaîné les petits jobs. « J’ai été animatrice de colo, j’ai gardé les enfants, j’ai donné des cours particuliers, j’ai été surveillante d’internat la nuit et même agent d’accueil dans un musée. »
Un salaire tous les six mois
En 2016, Clémence Moullé Prévost a commencé à donner des cours à la fac en tant qu’attachée temporaire vacataire (ATV). « C’était l’opportunité de commencer à enseigner à l’université, et au début c’était un complément de revenu. » Mais peu à peu, l’étudiante s’est rendue compte qu’il y avait beaucoup de choses clochait. « On ne savait jamais quand on allait signer notre contrat. Il y a même une année où je n’ai pas signé mon contrat avant novembre. »
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Le vrai problème, c’est que la rémunération n’est pas mensualisée, « on est payé qu’à la fin de chaque semestre, en fonction du nombre d’heures qu’on a données. Donc parfois, on ne reçoit notre paye que fin février, alors qu’on enseigne depuis la rentrée ». Financièrement, c’est très compliqué à gérer, ça crée du stress, de l’angoisse permanente…
« Tu passes en mode survie »
La première conséquence de tout ça, c’est la précarité. « Dans les pires mois, je me retrouvais au RSA. Je gagnais 500 € avec les APL. Tu passes en mode survie. Tu te retrouves à manger des pâtes ou à sauter des repas. » Faute de moyens financiers, elle « squattait chez des amies ». La jeune femme a contracté des dettes, notamment un prêt étudiant qu’elle doit encore rembourser.
« Socialement, c’est hyper compliqué, parce que tu n’as pas de revenu fixe, ni de vrai statut social. Ça impacte aussi la vie affective, parce qu’on ne peut pas se projeter. Parfois, ça crée une forme de dépendance financière vis-à-vis du conjoint. »
« On le fait parce que ça a du sens »
La recherche permanente d’argent impacte ses études. « Sur ces sept ans et demi d’études, je n’ai finalement passé que peu de temps à faire des recherches et à écrire ma thèse. »
Le parcours du combattant de Clémence n’est pas terminé. Aujourd’hui, elle n’est toujours pas titularisée et candidate à des contrats temporaires. « Il faut parfois cinq ans pour pouvoir obtenir un poste d’enseignante-chercheuse… »
Contacté, le service communication de Rennes 2 n’a pas répondu à notre sollicitation.