Ce n’est pas si vieux : au printemps dernier, alors que se multipliaient les manifestations contre la réforme des retraites, un mot d’ordre a jailli, repris par des milliers de voix et de pancartes dans tout le pays : « Macron démission ! » Si on avait dit aux manifestants d’alors que, quelques mois plus tard, les dirigeants de la « gauche » iraient bavarder et dîner avec Macron douze heures durant, ils ne l’auraient pas cru !
Périodiquement, les mêmes dirigeants de « gauche » en appellent à l’« arc républicain contre l’extrême droite ». Où était-il passé, cet arc républicain la semaine dernière, quand tous les dirigeants de « gauche » échangeaient courtoisement avec Bardella, du Rassemblement national, autour de la table dressée par Macron pour le dîner ? Disparu, envolé, l’« arc républicain » !
Quelle mouche les a donc piqués, se demandent les travailleurs ?
Macron n’a pas caché son objectif : « Faire nation. » Autrement dit : il n’y a plus d’exploiteurs et d’exploités, de pauvres et de riches, tous doivent se rassembler autour de la table du maître.
Les dirigeants de « gauche », eux, auraient pu décliner l’invitation. Pourquoi ne l’avoir pas fait ? Pour présenter leurs « propositions » à Macron, ont-ils expliqué.
Tout le monde sait que les seules « propositions » qui intéressent ce gouvernement sont celles des banquiers, des fonds spéculatifs, des capitalistes.
Les prix flambent ? Le ministre Le Maire s’excuse : j’ai discuté avec les multinationales, mais elles refusent de baisser les prix, donc le gouvernement ne peut rien faire. Pénurie de logements pour les étudiants ? La ministre Retailleau déclare : il ne peut y avoir de plan d’urgence, il faut respecter les promoteurs privés. Tout cela est logique : le gouvernement Macron-Retailleau-Le Maire-Borne est un gouvernement de classe, il défend sa classe.
Mais qu’est-ce qui obligeait Bompard, Roussel, Faure et Tondelier à aller dîner avec Macron, Bardella et tous les autres ? Rien… sinon le sacro-saint respect de la Ve République et de sa clé de voûte, le sacro-saint président de la République (rappelons que c’est la même logique de respect des institutions qui a conduit avant l’été l’intersyndicale à refuser de lancer l’appel à la grève générale, permettant ainsi à la réforme de passer).
Le respect des institutions, c’est le respect des exigences des capitalistes, et rien d’autre. Le véritable gouvernement du pays, c’est eux.
Jusqu’où les dirigeants iront-ils dans cet aplatissement ?
Pendant que certains dînent avec Macron et Bardella, la faim grandit dans le pays. Certes, sa seigneurie Bernard Arnault fait œuvre de charité en versant son obole aux Restos du Cœur. Mais les miettes jetées aux pauvres de leur table par les riches n’ont jamais suffi à empêcher les révolutions.
Rompre avec la Ve République ; confisquer les milliards de la spéculation, de l’exploitation et de la guerre ; établir le gouvernement des travailleurs : c’est la seule voie conforme à la démocratie, c’est-à-dire à la satisfaction des besoins de l’immense majorité, celle que constituent le peuple travailleur et la jeunesse.