L’urgence du Moment

Heure après heure, les médias revoient à la hausse le nombre des victimes civiles, particulièrement des jeunes et des enfants, qui ont perdu la vie depuis le 7 octobre, côté israélien et côté palestinien. Un bilan appelé, hélas, à s’aggraver dans les prochains jours si, comme cela est annoncé, Gaza est écrasée sous un tapis de bombes, confrontée à une intervention militaire terrestre et sa population affamée du fait de l’impitoyable blocus décidé par Netanyahou. Encore faudrait-il ajouter les milliers d’enfants tués par l’armée israélienne durant les dernières décennies.

Aucun démocrate, aucun humaniste ne peut rester impassible devant la mort d’un seul enfant innocent, quel qu’il soit, juif ou arabe. Mais invoquer cette émotion légitime et partagée ne suffit pas à ouvrir le chemin d’une solution.
En répondant à l’attaque du Hamas par un déluge de fer et de feu contre deux millions de Palestiniens pris au piège d’une prison à ciel ouvert, Netanyahou ne fait que poursuivre ce qu’il fait depuis des années : nier l’existence d’un peuple palestinien qui revendique les droits légitimes auxquels aspirent tous les peuples.
Cette négation – et la spirale de la répression et de la colonisation qu’elle entraîne – a largement contribué à l’attaque du 7 octobre. Écrire cela ne signifie ni dédouaner le Hamas de sa responsabilité dans les actes qu’il décide, ni approuver sa politique. Mais ce n’est pas le Hamas qu’Israël ignore depuis des décennies, c’est le peuple palestinien tout entier.

On peut, certes, momentanément condamner un peuple au silence. Mais on ne peut le faire disparaître, même par la terreur. La revendication nationale légitime finit toujours par ressurgir. Le journaliste israélien Gideon Levy ne dit rien d’autre dans les colonnes du quotidien Haaretz que nous citons en page 11 [de la Tribune des Travailleurs].
Les travailleurs ont en mémoire qu’en 1954, lorsque le peuple algérien se souleva pour sa libération, le gouvernement français a proclamé qu’il ne s’agissait pas d’une guerre de libération, mais d’« actes terroristes », auxquels il répondrait par des « mesures de police ». Quant au ministre de l’Intérieur Mitterrand, il déclarera : « La seule négociation, c’est la guerre. » La suite est connue : un million et demi de morts du côté algérien, mais au bout du compte, la cause légitime s’imposa contre le pouvoir colonial.
On peut partager ou non les termes du communiqué du POID et la perspective qu’il défend d’un seul État démocratique et laïque garantissant à tous ses citoyens des droits égaux. Mais que l’on soit d’accord ou non, il est un fait indiscutable : laisser Netanyahou continuer demain ce qu’il a fait hier, cela aura pour résultat sans doute des milliers, peut-être des dizaines de milliers de morts supplémentaires, pour l’essentiel des victimes civiles et des enfants, mais cela ne suffira pas à faire disparaître le peuple palestinien et ses aspirations légitimes.
Il faudra bien, d’une manière ou d’une autre, ouvrir la voie à une solution politique. Rien ne peut justifier le massacre à Gaza. L’urgence est de l’empêcher et d’imposer la levée du blocus.
Editorial de la Tribune des Travailleurs par Daniel Gluckstein – Le 10 octobre, 16 heures.