Une illusion mortelle

La confrontation publique entre deux piliers de l’État, la police et la justice, crée une situation inédite en France depuis la fondation de la Ve République.

D’un côté, la police nationale, dont le directeur général (DGPN) se prononce pour la libération d’un policier placé en détention provisoire dans le cadre d’une instruction judiciaire pour violences policières commises à Marseille. Cette prise de position est couverte par Darmanin, dont l’entourage a fait savoir à France Info que « le DGPN avait toute la confiance du ministre ».

De l’autre côté, la justice, dont la plus haute instance, le Conseil supérieur de la magistrature, rappelle qu’elle est « la seule légitime pour décider du placement ou non en détention provisoire des personnes qui lui sont présentées ».

D’un côté, des syndicats de police mènent campagne pour la libération de leur collègue et entament une grève de fait qui, partie de Marseille, fait tache d’huile ; de l’autre côté, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats s’insurgent contre les pressions exercées sur la justice et son indépendance.

Rappelons le point de départ de cette crise : la plainte déposée par un jeune qui, après avoir été roué de coups a, selon son avocat, « la mâchoire cassée et l’œil gauche qui ne voit plus » et souffre d’un traumatisme crânien.

Dans l’État bourgeois, l’action de la police et de la justice est cadrée par la défense du régime de la propriété privée des moyens de production. Sous la Ve République, le chef d’État a pour mission de faire fonctionner sous son autorité toutes les institutions de l’État et d’en assurer la cohérence. La fracture publique entre justice et police traduit le fait que, désormais, la situation commence à échapper au Bonaparte.

À Nouméa, Macron a déclaré que « nul en République n’est au-dessus de la loi ». Puis il s’est empressé de faire l’éloge de Darmanin, lequel, quelques heures plus tôt, avait appuyé son DGPN qui appelait… au non-respect de la loi !

Cette crise ouverte vient de loin. Elle est l’aboutissement de six ans de règne macroniste, six ans de violence sociale, de contre-réformes, d’articles 49-3, piétinant la démocratie aussi bien dans sa forme politique que dans son contenu social. Six ans de centaines de milliards consacrés à la guerre et à l’enrichissement des capitalistes. Six ans durant lesquels le pouvoir s’est heurté à la résistance des travailleurs et du peuple, à laquelle il a répondu par le recours aux instruments les plus antidémocratiques de la Constitution, d’une part, par la répression systématique, d’autre part. La racine de la crise actuelle est d’abord sociale : l’acharnement à vouloir coûte que coûte protéger les privilèges d’une petite minorité de spéculateurs et de profiteurs en écrasant toujours plus ceux qui n’ont que leur travail pour vivre.

Dans un communiqué commun, le Parti socialiste, La France insoumise et Europe Écologie-Les Verts déclarent : « Nous attendons du président de la République qu’il joue son rôle de garant de la Constitution en faisant le nécessaire pour rétablir l’ordre républicain dans la police. »

Macron serait à la fois celui qui a provoqué la situation actuelle et celui qui pourrait la résoudre ? C’est là une illusion mortelle. En plaçant leur confiance en Macron et en la VRépublique, les dirigeants du PS, d’EELV et de LFI font fausse route.

Aucune confiance ne peut être accordée au représentant de la classe capitaliste et à ses institutions. Reconquérir la démocratie exige d’aller à la racine, d’en finir avec une politique au service de la minorité de privilégiés et d’établir une politique pour la majorité du peuple. Cela suppose de remplacer le régime antidémocratique et antisocial de la VRépublique par une République authentiquement démocratique que seule l’action du peuple travailleur est à même d’imposer.

C’est la voie tracée par les camarades hospitaliers de Marseille qui appellent à une rencontre de délégués pour l’unité pour préparer « le combat d’ensemble pour en finir avec Macron et sa politique et ouvrir la voie à un gouvernement au service de la majorité qui abrogera la réforme des retraites et prendra les mesures d’urgence pour sauver les hôpitaux, l’école publique, un gouvernement qui assurera à tous un salaire qui permette de vivre décemment ».


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